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Guides juridiques pour les éleveurs

Maître Bensoussan

Par Maître Arnault Bensoussan

Avocat au barreau des Haut-de-Seine

Droit Animalier et de l'élevage

Eleveur de Braques allemands et français

Sous l’affixe « Du Bois Feuraz »

www.arnaultbensoussan.com

Création
Conduite
Vente
Saillie

La vente du chiot et du chien

II – Le vendeur et l’acheteur

A – L’élevage : une activité protégée et valorisée

L’ordonnance n°2015-1243 du 07 octobre 2015 par son article 1er a opéré la distinction, souhaitée de longue date par les éleveurs, entre l’élevage proprement dit (« le LOF ») et la simple production de chiots (« le NON-LOF »).

L’élevage poursuit le but d’améliorer une race, ou à tout le moins son maintien à un niveau excellent, par la production de chiots issus de géniteurs sélectionnés et traçables dans le circuit du Livre des Origines Français (LOF).

Plus les chiots produits s’approcheront du standard de leur race et plus ils seront performants dans leur utilisation, plus la portée produite aura été bénéfique à la race.

Pour cela, l’élevage implique de faire de la sélection, ce qui peut amener l’éleveur à parcourir de très longues distances pour participer à une manifestation canine ou pour effectuer une saillie. L’éleveur rigoureux se préoccupe d’abord de l’amélioration de ses produits plutôt que de leur rentabilité.

La simple production de chiots, le « NON-LOF », poursuit quant à elle un but économique.

Elle se limite à produire des portées non-inscrites au LOF, donc dénuées de toute information quant aux origines génétiques du chiot, qu’il s’agisse de la compatibilité des parents entre eux, notamment vis-à-vis d’une éventuelle consanguinité rapprochée (père-fille, mère-fils, et frère-sœur), interdite au LOF depuis le 1er juillet 2017, sauf dérogation préalable du club de race.

L’interdiction de consanguinité rapprochée, prise par la commission « élevage » de la Société Centrale Canine, a été motivée par le souci du bien-être des chiens issus de tels accouplements, en ce que ces sujets sont susceptibles d’accumuler des allèles (des séquences d’ADN) potentiellement délétères.

B – Le vendeur

1/ Trois statuts possibles : éleveur et particulier

Depuis le 1er janvier 2016, par l’effet de l’ordonnance du 07 octobre 2015, tout vendeur d’un chien ou d’un chat de sa production, quel que soit le nombre de portées produites dans l’année et peu important leur inscription ou non à un livre généalogique officiel (le LOF pour les chiens et le LOOF pour les chats) intervient à la transaction avec un seul statut possible : celui d’éleveur, sous-entendu d’éleveur professionnel ou encore d’agriculteur.

Le vendeur d’un chien ou d’un chat qu’il n’a pas produit ne peut plus être commerçant depuis le 1er janvier 2024. Il est donc forcément particulier, ce qui implique qu’il opère la vente occasionnelle de son propre animal.

L’article L. 214-6 du code rural énonce les définitions de l’élevage et de la vente pure :

« III. On entend par élevage de chiens ou de chats l’activité consistant à détenir au moins une femelle reproductrice dont au moins un chien ou un chat est cédé à titre onéreux.

IV. Pour l’application de la présente section, on entend par vente la cession à titre onéreux d’un animal de compagnie sans détenir la femelle reproductrice dont il est issu ».

Depuis le 1er janvier 2024, seuls les éleveurs sont autorisés à vendre à titre professionnel un animal domestique par l’effet de la loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021.

2/ Les formalités et leurs dispenses

Les articles L 214-6-2 et L. 214-6-3 du code rural, créés par la réforme de 2016, disposent des obligations administratives et des dispenses relatives à certaines formalités selon le nombre de portées produites et leur inscription ou non à un livre généalogique reconnu par le Ministère de l’Agriculture.

L’éleveur, comme tout agriculteur, est tenu de s’immatriculer à la chambre d’agriculture, conformément à l’article L. 311-2-1 du code rural, afin de ne pas se trouver en situation de travail dissimulé. Cette formalité déclenche l’attribution d’un numéro SIREN et l’adhésion en principe à la MSA (Mutualité Sociale Agricole).

L’éleveur doit également effectuer une déclaration au titre de l’activité auprès du Préfet, précisément à la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) ou à la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations (DDETSPP), afin d’être en règle avec la réglementation en matière de protection animale.

Outre ces formalités déclaratives, l’éleveur doit en plus être titulaire d’un titre ou d’un certificat attestant de ses compétences à s’occuper d’animaux et disposer de locaux adaptés s’il possède plus de neuf chiens.

Cette dernière hypothèse donne lieu à une formalité à accomplir auprès du Préfet en matière d’ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement). La démarche est distincte de celle faite au titre de l’activité, bien qu’elle s’adresse à la même administration, la DDETSPP.

Les éleveurs NON-LOF qui ne vendent pas plus d’une portée par an sont dispensés des obligations de déclaration de leur activité au Préfet, concrètement à la DD(ETS)PP et de l’obligation de possession d’un titre ou d’un certificat de compétences, mais pas de celle en matière d’ICPE s’ils détiennent plus de 9 chiens sevrés (> 4 mois).

Les éleveurs au LOF qui ne vendent pas plus d’une portée par an sont en plus dispensés de l’obligation de s’immatriculer à la chambre d’agriculture, mais pas de l’obligation relative aux ICPE en cas de possession de plus de 9 chiens sevrés (> 4 mois).

Ces obligations et dispenses sont développées en détails dans notre Guide Juridique de la création et de la conduite de l’élevage, publié par la Société Centrale Canine.

Le défaut d’immatriculation place l’exploitant en situation de travail dissimulé, délit correctionnel passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article

L. 8221-3 du code du travail). Cette infraction est rigoureusement réprimée en France, tant elle limite la contribution populaire et affaiblit le budget de l’Etat.

Enfin, le particulier qui vend ou à fortiori qui donne son chien ou son chat n’est pas, comme tout vendeur occasionnel, tenu des obligations sus-évoquées.

3/ la capacité du vendeur à disposer de l’animal

D’une manière générale, pour pouvoir céder le chiot ou le chien, le vendeur doit en être pleinement propriétaire, sous peine de nullité de la transaction.

La copropriété n’existe légalement que pour les immeubles collectifs. Lorsqu’un animal, qui est juridiquement un bien meuble, appartient à plusieurs personnes, il est possédé en indivision. Un bien est indivis si par nature son partage entraînait sa destruction.

La vente d’un chien indivis, sans le concours d’un ou de plusieurs propriétaires indivis (indivisaires), est nulle de droit, par application de l’article 1599 du code civil.

En revanche, la vente d’une ou de plusieurs parts d’un chien en indivision, est valable, sauf si une éventuelle clause d’agrément du cessionnaire a été insérée au pacte de propriété.

L’indivision, même organisée par un contrat abusivement qualifié de copropriété, est davantage propice aux contentieux que vectrice de sérénité pour les parties, selon l’adage « qu’il vaut mieux un petit chez soi qu’un grand chez les autres ».

Ces contrats sont souvent incomplets ou imprécis, tant il est difficile d’envisager toutes les éventualités. Ils ne prévoient, ni ne préviennent les causes de différend, dont la manifestation est propice lorsque deux parties convoitent la même chose.

Le démembrement de propriété est moins sujet à conflit. Il consiste à séparer la nue-propriété de l’usufruit. Le nu-propriétaire sera la personne détentrice du droit de propriété sur le chien et l’usufruitier sera celui qui en aura la jouissance. Celle-ci comprend, faute de disposition contraire, la perception des fruits de l’exploitation (saillies ou vente de chiots).

Enfin, est à préciser que l’arrêté du 03 avril 2014 du Ministre de l’Agriculture réglementant l’élevage en matière de bien-être est à priori incompatible avec les contrats dits « d’élevage », en l’absence de clauses d’aménagement à prévoir.

Ces contrats consistent le plus souvent en un placement par l’éleveur d’un futur reproducteur chez un tiers, à charge pour ce dernier de lui représenter l’animal pour des mises à la reproduction et d’en devenir in fine propriétaire sans bourse délier.

C – L’acheteur

Les chiens sont en vente libre.

Toutefois, un chien, même non classé comme chien dangereux* ne peut être vendu à un incapable majeur sous tutelle, voire sous curatelle renforcée (art 1594 du code civil), ou encore à un mineur non-émancipé sans le consentement de ses parents ou des personnes exerçant sur lui l’autorité parentale (articles L. 214-8 et R 214-20 du code rural).

* Il s’agit des chiens de catégories 1 et 2.

La capacité de contracter est une condition essentielle à la validité des contrats. Ainsi, la cession d’un chiot ou d’un chien en violation des dispositions qui précèdent, serait nulle, avec pour conséquence pour le vendeur de rembourser le prix et de reprendre l’animal (article 1128 du code civil).

Outre l’annulation, la vente illicite à un mineur exposerait le vendeur à une peine d’amende de 750 € (4ème classe), en vertu de l’article R. 215-5-1 du code rural.

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