Par Maître Arnault Bensoussan
Avocat au barreau des Haut-de-Seine
Droit Animalier et de l'élevage
Eleveur de Braques allemands et français
Sous l’affixe « Du Bois Feuraz »
La vente du chiot et du chien
VII – Les garanties dues par le vendeur
L’animal vivant étant un être doué de sensibilité (article 515-14 du code civil et article L. 214-1 du code rural), il est par conséquent une chose particulière.
Depuis le 1er janvier 2022, le vendeur ne doit plus légalement qu’une seule garantie : la garantie des vices rédhibitoires prévue à l’article L. 213-1 du code rural.
A – La garantie des vices rédhibitoires
Cette garantie est organisée aux articles L. 213-1 à L. 213-9 et R 213-2 à R 213-9 du code rural.
La vente d’un animal domestique confère à l’acquéreur une garantie limitée des vices cachés, qui sont appelés les « vices rédhibitoires ». Ceux-ci sont énumérés à l’article R 213-2 du Code Rural.
La garantie (étendue) des vices cachés, prévue à l’article 1641 du code civil n’est pas due, à moins que le vendeur ait convenu ou promis de la servir.
L’insertion de l’encadré imposée par le décret n°2022-946 du 29 juin 2022 ne crée pas de convention d’appliquer la garantie des vices cachés contrairement à ce qu’ont affirmé de piètres juristes (voir en supra V, A/).
Cette limitation de la garantie des vices cachés aux vices rédhibitoires énoncés par le code rural résulte de l’interprétation de l’article L. 213-1 lui-même, confirmée par une jurisprudence constante, qui est du reste conforme à l’article 1625 du code civil.
L’action en garantie des vices rédhibitoires s’organise par des délais très courts et qui commencent tous à courir à compter de la livraison de l’animal, et ce quel que soit son âge au moment de sa vente.
Les délais d’apparition déterminés par l’article R 213-6 du même code ne valent que pour les trois vices rédhibitoires consistant en des maladies transmissibles, contrairement au délai de 2 ans à compter de la découverte du vice, prévu à l’article 1648 du code civil pour la garantie des vices cachés de droit commun.
Les autres affections devront apparaître dans le délai de 30 jours, lequel n’est autre que celui pour introduire l’action à compter de la délivrance de l’animal, conformément à l’article R 213-5 du code rural.
Il est à noter qu’un vice caché n’est pas forcément un vice dissimulé par le vendeur. Il est un vice qui n’est pas visible pour l’acheteur profane, par opposition au vice apparent.
La liste des vices rédhibitoires figurant à l’article R 213-2 du code rural est très restreinte et peut, de ce fait, se révéler très insuffisante compte tenu des pathologies, tant latentes que symptomatiques, dont un animal peut être affecté à sa livraison.
Les vices rédhibitoires pour le chien sont énumérés à l’article R 213-2 du code rural et sont :
La maladie de Carré,
L’hépatite contagieuse (maladie de Rubarth),
La parvovirose canine,
La dysplasie coxo-fémorale,
L’ectopie testiculaire pour les animaux de plus de six mois,
et l’atrophie rétinienne progressive.
La mise en œuvre de la garantie des vices rédhibitoires se fait en deux temps selon qu’il s’agit d’une maladie transmissible ou non, dans des délais différents et courts.
Ces derniers sont prescrits aux articles R 213-5 à R 213-7 du code rural, et courent à compter de la délivrance du chien.
B – La garantie des maladies contagieuses
L’article L. 223-7 du Code rural fait interdiction d’exposer, de mettre à la vente ou de vendre un animal atteint, ou soupçonné d’être atteint, d’une maladie contagieuse.
Si la vente a eu lieu, elle est nulle de droit, que le vendeur ait connu ou ignoré la maladie dont l’animal était atteint ou suspecté de l’avoir été.
L’acheteur dispose d’un délai de 45 jours, à compter de la délivrance de l’animal, pour solliciter l’annulation de la vente.
C – La garantie de conformité
1°) Généralités
La garantie de conformité est prévue aux articles L. 217-4 à L. 217-14 du code de la consommation. Elle s’applique aux biens meubles corporels, dont les animaux font partie par l’article 515-4 et 528 du code civil.
Son application aux ventes d’animaux domestiques résulte d’une ordonnance du gouvernement en date du 17 février 2005 pour la transposition de la directive européenne n°1999/44/CE.
Toutefois, par ordonnance de n°2021-1247 du 29 septembre 2021, la garantie de conformité n’est plus applicable aux ventes d’animaux domestiques réalisées à compter du 1er janvier 2022.
La prise en compte parlementaire de l’imprévisibilité des aléas naturels sur le devenir d’un être vivant a fait que le législateur a considéré que l’acheteur bénéficiait déjà d’un régime favorable de réparation par la garantie légale contre les vices rédhibitoires du code rural (Art L. 213-1) et a donc aboli la garantie légale de conformité.
Les actions judiciaires fondées sur cette garantie étant recevables dans le délai de deux ans à compter de la délivrance de l’animal, les ventes opérées jusqu’au 31 décembre 2021 pourront encore générer des procès en garantie de conformité jusqu’au 31 décembre 2023.
Les versions des articles L. 217-4 et suivants à prendre en considération sont celles qui étaient en vigueur jusqu’au 30 septembre 2021 inclus pour les ventes opérées jusqu’à cette date.
La garantie de conformité a été la garantie la plus redoutée par les vendeurs professionnels, en ce qu’elle couvrait largement les défauts révélant la présence d’un vice caché ne constituant pas un vice rédhibitoire ou en ayant constitué un, mais invoqué hors délai de rédhibition.
La garantie de conformité consistait en un amalgame de la garantie des vices cachés et de l’obligation de délivrance conforme.
Il fallait cependant que le défaut rende l’animal non-conforme à sa destination contractuelle.
Cela excluait en principe les affections bénignes et non-chroniques.
La garantie de conformité est d’ordre public, faisant que l’acquéreur ne pouvait y renoncer à l’avance, en vertu d’une jurisprudence du 19 février 2014 de la Cour de Cassation (Cass Civ 1ère 19 février 2014, n°12.23519) rendue au visa de l’article L. 211-17 du code de la consommation, abrogé au 1er juillet 2016, mais dont les dispositions ont été reprises à l’article L. 241-5 du même code.
Cette garantie est due seulement par le vendeur professionnel à l’acheteur consommateur ou non-professionnel. Le non-professionnel est la personne morale qui agit hors le cadre de son activité professionnelle (cf. article liminaire du code de la consommation).
La garantie de conformité présente l’utilité pour le consommateur de palier en grande partie aux limites de la garantie des vices rédhibitoires. Sa mise en œuvre se prescrit par deux ans et peut se cumuler avec toute autre action, notamment la garantie des vices rédhibitoires, l’erreur, le dol ou la tromperie.
Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Pour être conforme au contrat, le bien doit :
La loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 dite « d’avenir pour l’agriculture » a modifié l’article
L. 213-1 du code rural, en supprimant pour les ventes d’animaux domestiques, la présomption de préexistence à la livraison, prévue à l’article L. 217-7 du code de la consommation.
Il appartient à l’acheteur d’établir l’antériorité à la livraison du défaut pour les ventes ou échanges réalisés depuis le 15 octobre 2014.
Lorsqu’il se prévaut de la garantie de conformité, le consommateur choisit entre la réparation et le remplacement de la chose (Art L. 217-9).
S’il choisit la réparation, l’acquéreur a le droit d’obtenir une indemnisation à hauteur des frais vétérinaires exposés et de garder le chien bien entendu.
Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut le rendre et se faire restituer le prix ou le garder et se faire rembourser une partie du prix (article L. 217-10 du code de la consommation).
Contrairement au texte, le vendeur ne peut refuser le choix de son client si l’option est disproportionnellement coûteuse, compte tenu de la particularité d’être vivant attaché à l’animal et à son lien d’affection à son propriétaire.
C’est ce qu’a consacré la Cour de Cassation dans son arrêt du 09 décembre 2015.
Les solutions prévues aux articles L. 217-9 et L. 217-10 du code de la consommation ne font pas obstacle à l’allocation de dommages et intérêts, notamment en réparation d’un préjudice moral.
La destination du bien vendu est déterminante de l’efficacité de l’action fondée sur la garantie de conformité.
2°) La confirmation au Livre des Origines Français (LOF) n’est pas légalement garantie
A moins que le chien ait été vendu pour la reproduction, son inaptitude à la confirmation n’est pas un défaut de conformité.
Le chiot est inscrit au LOF au titre de la descendance et à titre provisoire. La nature et la vie étant aléatoires, il est légitime que la réussite à l’examen de la confirmation du chiot au LOF ne soit garantie par le vendeur que pour autant qu’elle ait été soit convenue au contrat de vente (il s’agirait alors d’une garantie conventionnelle), soit empêchée par un défaut inapparent ayant coexisté à la livraison de l’animal.
Ce défaut peut être une affection physique ou comportementale ou la révélation d’un attribut qu’il n’a pas (faux certificat de naissance ou fausse filiation), bien que prévu au contrat.
Ainsi, sauf disposition contraire au contrat, la confirmation d’un chien au LOF n’est pas garantie par le vendeur, même professionnel, justement parce que la nature intervient ou que le nouveau détenteur a pu commettre des maladresses dans l’entretien ou dans l’éducation de son chien qu’il aurait par ce biais rendu non-confirmable.
Par ailleurs, dans la mesure où la garantie de conformité a cessé de s’appliquer au 1er janvier 2022, les acquéreurs de chiens vendus à compter de cette date ne pourront plus agir contre les vendeurs lorsque le chien n’aura pas été confirmé en raison d’une affection, sauf en cas de dol ou de tromperie et bien entendu de garantie conventionnelle en la matière.
L’examen de la confirmation ne peut avoir lieu avant un âge de 10 à 15 mois selon les races.
Cet examen est la première épreuve de sélection d’un futur reproducteur. Il consiste à s’assurer de sa conformation au standard de sa race. La réussite à l’examen procure la délivrance du pédigrée, lequel n’est autre qu’un permis de reproduire au LOF et la première des conditions pour élever le sujet à une cotation ou prétendre à l’homologation d’un titre.
ANNEXE 1 - EXEMPLES D’EVOCATION DE PATHOLOGIES POSSIBLES OU AVEREES :
1/ L’ECTOPIE TESTICULAIRE
« Si les testicules sont censés être en position physiologique, c’est-à-dire descendus dans les bourses ou scrotum (testicules eutopiques), à l’âge de 7 semaines, la remonté d’un testicule en position abdominale peut se produire jusqu’à l’âge de 6 mois, par l’effet de la peur, du stress ou encore du froid.
Le testicule remonte en amont de l’anneau inguinal (côté abdominal) et redescend le plus souvent. Il peut se produire qu’il soit retenu en position inguinale (testicule ectopique). Dans ce cas, il peut être utile de consulter rapidement un vétérinaire ostéopathe.
L’ectopie testiculaire se distingue de la monorchidie qui est la pathologie du chien qui nait avec un seul testicule.
Dans les deux cas, la castration du chien est préconisée avec l’extraction du testicule ectopique. Le chien n’est pas confirmable au LOF s’il est atteint de monorchidie ou d’ectopie testiculaire. »
2/ DYSPLASIE DE LA HANCHE ou DYSPLASIE COXO-FEMORALE
« Même si les parents des chiots produits par notre élevage sont indemnes de Dysplasie Coxo-Femorale, il appartient à l’acquéreur de prendre certaines précautions au cours de la croissance du chiot jusqu’à 12 mois afin de ne pas créer des facteurs favorisant cette affection orthopédique :
Pas de longues promenades (des sorties quotidiennes d’une durée de 5 minutes par mois de vie du chiot),
Eviter de faire galoper le chiot (le trot est plus conseillé),
Pas de saut, Pas de montée ou de descente d’escalier,
Eviter le surpoids et nourrir le chiot avec ………………… en respectant les doses prescrites par le fabricant,
Pas de grignotage ou de nourriture à volonté.
Les ascendants des chiots produit par notre élevage n’ont pas la génétique exprimant la dysplasie, d’où leur sélection sur la base de radiographie. Il en résulte que si le chiot présentait une dysplasie, une fois cédé, c’est que l’acquéreur aurait mal ou pas respecté les consignes ci-dessus et aurait généré des mutations génétiques.
La dysplasie coxo-fémorale est une affection réputée héréditaire polygénique complexe, son déclenchement résulte, de façon prépondérante, de facteurs extérieurs, autrement appelés facteurs environnementaux, durant la croissance de l’animal.
Ceux-ci sont de la responsabilité du détenteur du chien puisqu’ils consistent en de l’excès d’exercice, en les mauvaises sollicitations telles que monter ou descendre des escaliers, en des sauts, des courses prolongées, des promenades de plus d’une heure, des mauvaises postures et l’excès pondéral durant sa croissance.
L’acquéreur est informé que seul un état clinique invalidant et de grade D ou E pourrait constituer un vice-rédhibitoire. Le grade C ne le serait pas, le chien n’étant pas vendu pour la reproduction ou la compétition cynophile ».
3/ L’ENTROPRION :
« L’entropion est un enroulement de la paupière inférieur ou supérieure vers l’intérieur de l’œil. Les cils ou les poils qui frottent contre la cornée rendent les yeux larmoyants. Cela cause une gêne au chien apaisable par des gouttes en attendant l’intervention chirurgicale.
Cette affection est réversible, en ce qu’elle est supprimable par une chirurgie qui se pratique à partir de l’âge de 10 mois (en fin de croissance). L’opération se pratique couramment et son résultat est satisfaisant esthétiquement (le défaut est effacé et le chien n’a plus de gêne).
Si la chirurgie efface l’entropion, l’honnêteté commande de ne pas mettre le chien à la reproduction, s’agissant d’une affection héréditaire. Elle prescrit aussi de ne pas présenter le chien à l’examen de la confirmation. Ce dernier est la première des épreuves de sélection des futurs reproducteurs. Un chien inscrit au LOF mais non-confirmé reste à vie un chien de race inscrit au LOF. C’est juste qu’il ne peut ni prétendre à l’homologation de titres éventuellement gagnés en compétition, ni être élevé en cotation de reproducteur. »