Par Maître Arnault Bensoussan
Avocat au barreau des Haut-de-Seine
Droit Animalier et de l'élevage
Eleveur de Braques allemands et français
Sous l’affixe « Du Bois Feuraz »
La vente du chiot et du chien
V – L’obligation d’information incombant au vendeur
L’abolition de la garantie légale de conformité par l’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 et l’institution du certificat d’engagement et de connaissance par la loi n°2021-1539 du 30 novembre de la même année ont incidemment redonné de l’importance à l’information due par le vendeur.
L’absence de garantie légale de conformité et le caractère limité de la durée et du champ de la garantie légale des vices rédhibitoires a suscité depuis 2022 une résurgence d’actions fondées sur le manquement par le vendeur à ses obligations d’information.
Les déceptions générées par la manifestation d’une affection alors ignorée, et qui aurait vraisemblablement consisté en un défaut de conformité, incitent les acheteurs à rechercher la responsabilité du vendeur sur les terrains juridiques ayant trait à l’obligation d’information.
Cependant, leur tâche est moins aisée que sous l’angle d’une responsabilité sans faute procurée par une garantie légale. Ainsi, l’aboutissement d’une action fondée sur le dol ou sur l’erreur par exemple est moins attractif, puisqu’il vise en principe l’anéantissement du contrat et donc la restitution du chien au vendeur.
Le vendeur est tenu à une obligation d’information avant la conclusion du contrat, puis lors de la conclusion de celui-ci.
A – L’obligation d’information précontractuelle
L’obligation d’information précontractuelle a pour source l’article 1112-1 du code civil, et les articles L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation.
Avant de conclure le contrat, le vendeur doit communiquer à l’acheteur potentiel son identité, son éventuel numéro SIREN, ses coordonnées, le prix et ses modalités de paiement, l’application d’une TVA ou au contraire de son exonération par le CGI, les garanties applicables à la vente et les procédures de leur mise en œuvre, les informations relatives à la faculté de recourir à un médiateur de la consommation, les coordonnées de celui-ci, les caractéristiques du bien vendu (donc celles du chien), le lieu de production, l’identité du producteur si elle diffère de celle du vendeur, et toute information pouvant être déterminante du consentement de l’acheteur.
S’agissant des caractéristiques du produit et des informations pertinentes en général, le vendeur sera bien inspiré de préciser les caractéristiques du chien dont celles tenant à sa race, à sa variété, son sexe, son âge, à la date de sa délivrance ou à celle de sa disponibilité, le lieu de délivrance, les informations liées à son comportement juvénile, à la nécessaire éducation à prévoir, aux attentions et aux contraintes qu’il requiert, à ses soins, à son entretien, aux éventuelles prédispositions pathologiques de sa race, etc…
Le mode de cette transmission peut être par publicité sur un site internet, mais également par courrier ou par la remise d’un document d’informations précontractuelles, l’essentiel restant d’être en mesure de prouver la transmission et le contenu de l’information.
Le contrat de réservation peut contenir toutes ces informations.
La jurisprudence a consacré une obligation pour le vendeur professionnel de rechercher le besoin de l’acquéreur, en vertu de son devoir de conseil, afin de s’assurer de l’adéquation du bien proposé à l’utilisation projetée.
La cour de cassation tempère toujours l’obligation d’information du vendeur par le devoir de vigilance de l’acquéreur.
Elle exige encore de l’acquéreur qu’il se montre suffisamment curieux. Elle traite de la même manière celui qui sait et celui qui devait savoir et dont l’ignorance est par conséquent considérée comme fautive.
Cependant, les informations que doit transmettre un vendeur à son client se sont tellement accrues depuis 2016, par les prescriptions des articles 1112-1 du code civil, L.111-1 du code de la consommation et L. 214-8 du code rural, qu’elles laissent peu de place à la curiosité.
Pour ce qui est des caractéristiques du produit (chien ou chat), le vendeur sera bien inspiré de rappeler par écrit dans le contrat de réservation ou dans un document d’informations précontractuelles, à faire parapher par le réservataire en annexe du contrat de réservation ou du contrat de vente, que le chien, à l’instar de tout être vivant, est exposé aux risques de la vie courante et en particulier à ceux liés à la nature et à son environnement et qu’ainsi, il peut être malade, développer une malformation même héréditaire, se parasiter, se blesser en sautant, en courant voire en marchant, ingérer un corps indésirable, faire de fausses déglutitions ou des retournements d’estomac, des occlusions intestinales, générer des problèmes de comportement, etc….
Omettre la transmission de ces informations ne signe pas en soi le dol, puisqu’elles portent seulement sur des éventualités. Mais les transmettre à l’acheteur présente l’intérêt de le dissuader d’invoquer le dol si le risque se réalisait. Plus la probabilité du risque est importante, plus le vendeur a intérêt à y sensibiliser l’acquéreur par écrit.
Il est également recommandé d’évoquer les maladies auxquelles la race, la lignée de l’éleveur sont prédisposées ou celles dont les chiens en général sont exposés telles que l’ectopie testiculaire, la dysplasie de la hanche…Si certaines races sont plus enclines à d’autres affection telle que le syndrome brachycéphale, alors autant les évoquer.
Pour parfaire, l’évocation devra être suffisamment détaillée. Elle précisera la définition et l’origine de la maladie, ses symptômes, ses traitements et ses conséquences sur la vie du chien et sur celle de son propriétaire, notamment en matière de soins, de cout, de durée et de séquelles telles que rendre le chien infirme ou non-confirmable au LOF.
Même cédé pour un usage de compagnie, il est préférable d’expliquer les conséquences d’une cause de non-confirmation au LOF par une clause comparable à celle-ci :
« L’examen de la confirmation est la première des épreuves de sélection des futurs reproducteurs. Un chien inscrit au LOF au titre de la descendance mais non-confirmé reste à vie un chien de race inscrit au LOF. C’est juste qu’il ne peut ni reproduire au LOF, ni prétendre à l’homologation de titres éventuellement gagnés en épreuves de sélection pour les reproducteurs, ni être élevé à une cotation de reproducteur ».
Bien entendu, si le chien ou le chat à réserver ou à vendre présente déjà les signes d’une pathologie ou s’il en est à fortiori diagnostiqué atteint, la meilleure stratégie restant l’honnêteté, le vendeur exposera par écrit cette affection avérée ou probable, ainsi que ses implications comme rappelé plus bas au paragraphe « C – L’obligation d’information lors de la conclusion du contrat (de vente) »
Il le fera de la même façon si l’anomalie se révélait entre la réservation et la cession. Le vecteur de l’information importe peu, pourvu que ce soit par écrit. Ce dernier peut donc être une clause dans le contrat ou un e-mail qui sera ensuite annexé au contrat de réservation et/ou au contrat de cession. Cet e-mail imprimé sera surtout signé par l’acquéreur.
Des exemples d’évocations de syndrome fréquents figurent à la fin du présent guide.
S’agissant en particulier de l’information relative aux garanties applicables, le décret 2022-946 pris le 29 juin 2022 est venu refondre l’obligation générale d’information précontractuelle, prévue aux articles L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation.
Ce décret est entré en vigueur le 1er octobre 2022 et impose, selon un nouvel article D. 211-2 du code de la consommation, l’insertion d’un encadré parmi les conditions générales de vente, lesquelles doivent être communiquées à l’acquéreur à la réservation ou à tout le moins au moment de la cession.
L’encadré figurant en annexe B du décret et au point B. de l’article D. 211-2 du code de la consommation, contient une disposition relative à l’applicabilité de la garantie des vices cachés qui, si elle est reproduite en l’état, peut être source de malentendus et donc de conflits.
Bien qu’il vise les articles L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation ayant trait aux informations précontractuelles, le décret impose aux professionnels d’insérer dans ses conditions générales de vente, le contenu de son annexe B reproduit ci-après.
On rappelle que l’obligation d’informations précontractuelles, édictée à l’article L. 111-1 du code de la consommation, commande au vendeur d’indiquer, dès le stade précontractuel, donc avant la signature du contrat de réservation ou de cession, la ou les garanties applicables à l’opération.
L’encadré prescrit par le Décret n°2022-946 du 29 juin 2022 et par l’article D. 211-2 du code de la consommation est :
« L’acquéreur bénéficie de l’action en garantie contre les vices rédhibitoires prévue par les articles L. 213-1 à L. 213-9 du code rural et de la pêche maritime. Cette garantie donne droit, dans les conditions et délais précisés par les dispositions de ce code, à une réduction de prix si l’animal est conservé par l’acquéreur, ou à remboursement intégral contre restitution de l’animal.
Par convention contraire, le consommateur bénéficie également de la garantie des vices cachés en application des articles 1641 à 1649 du code civil, pendant une durée de deux ans à compter de la découverte du défaut. Cette garantie donne droit à une réduction de prix si l’animal est conservé ou à un remboursement intégral contre restitution de l’animal ».
L’emploi du présent de l’indicatif dans le second paragraphe de l’encadré pourrait laisser songer, un temps, que les parties aient convenu d’étendre la garantie des vices rédhibitoires à la garantie des vices cachés du code civil.
La dubitation ne peut être que brève, du moins pour un juriste compétent.
Car primo, strictement ce second paragraphe ne dit rien d’autre qu’une convention contraire, autrement-dit un accord entre les parties, est nécessaire pour que la garantie des vices rédhibitoires soit étendue à la garantie des vices cachés du code civil.
Deuxio, une telle convention n’est pas intervenue.
Tertio, une telle convention ne peut pas résulter de la seule recopie d’un encadré informatif.
Enfin et surtout, une convention, quelle qu’elle soit, ne peut pas en droit français, être imposée, de surcroit par un règlement (décret ou arrêté), en raison de la liberté contractuelle.
La liberté contractuelle fait l’objet d’une protection du conseil constitutionnel faisant que jamais un texte issu du pouvoir exécutif (le gouvernement) ne pourrait lui contrevenir.
Si le gouvernement avait entendu étendre la garantie des vices rédhibitoires à la garantie des vices cachés, il aurait fait voter une loi.
Ceci étant dit et afin d’éviter de favoriser l’élévation de réclamations par une interprétation erronée ou opportuniste de l’encadré, nous préconisions une reproduction légèrement modifiée et qui ne trahit pas le sens de cet encadré comme suit :
« L’acquéreur bénéficie de l’action en garantie contre les vices rédhibitoires prévue par les articles L. 213-1 à L. 213-9 du code rural et de la pêche maritime. Cette garantie donne droit, dans les conditions et délais précisés par les dispositions de ce code, à une réduction de prix si l’animal est conservé par l’acquéreur, ou à remboursement intégral contre restitution de l’animal.
Par convention contraire (inexistante dans la présente vente), le consommateur bénéficie également de la garantie des vices cachés en application des articles 1641 à 1649 du code civil, pendant une durée de deux ans à compter de la découverte du défaut. Cette garantie donne droit à une réduction de prix si l’animal est conservé ou à un remboursement intégral contre restitution de l’animal ».
La transgression du décret 2022-946 du 29 juin 2022 n’est assortie d’aucune sanction spécifique. Il faut entendre par là que la non-reproduction de l’encadré et sa reproduction modifiée ne sont pas sanctionnables en elles-mêmes.
En revanche, si elles ont contribué à la commission d’un dol ou d’une tromperie, le juge pourra en tenir compte dans sa répression.
B – La certification par l’acheteur de sa connaissance des besoins du chien et de son engagement à les satisfaire
La loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 a instauré une obligation pour l’acquéreur d’un chien de certifier connaitre les besoins de celui-ci et de s’engager à les satisfaire.
Il s’agit du certificat d’engagement et de connaissance des besoins du chien, ci-après le « CEC », désormais prescrit au V de l’article L. 214-8 du code rural, tant pour les ventes que pour les dons.
Il ressort que le CEC appartient à la phase précontractuelle en ce qu’il est rédigé et délivré par l’éleveur à l’état de formulaire vierge, au moins 7 jours avant la cession.
Puisque c’est l’éleveur qui délivre la formule de CEC à l’acheteur potentiel et que ce document contient des informations sur l’animal et sa détention, il est un moyen d’information.
L’instruction technique du Ministère de l’Agriculture émise le 14 novembre 2022 a fait l’objet d’une annulation partielle par arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 21 mars 2025. Le vendeur peut transmettre à l’acquéreur potentiel le formulaire vierge de CEC par correspondance, et non forcément en présentiel. Il a le droit de percevoir des arrhes ou des acomptes avant de délivrer ce formulaire de CEC.
Le vendeur peut rédiger son propre CEC ou utiliser un modèle proposé.
Le contenu minimal du CEC figure à l’article D 214-32-4 du code rural dont la rédaction est issue du décret n°2022-1012 du 18 juillet 2022.
Il en résulte que l’exigence de production de ce certificat par l’acquéreur et le contrôle par le vendeur de sa signature ne portent que sur les cessions réalisées depuis le 18 juillet 2022.
En vertu du décret, il y a trois thèmes que le CEC doit traiter à minima :
« 1o Les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux en tenant compte de l'état des connaissances scientifiques ;
2o Les obligations relatives à l'identification de l'animal ;
3o Les implications financières et logistiques liées à la satisfaction des besoins physiologiques, comportementaux et médicaux de cette espèce tout au long de la vie de l'animal ».
En signant le CEC au plus tôt 8 jours après le jour de sa délivrance à l’état vierge par le vendeur, l’acheteur va certifier avoir été informé et sensibilisé aux besoins de l’animal avant de l’acquérir.
Le même texte impose au vendeur de vérifier, avant la cession, que le cessionnaire a signé ce certificat et que celui-ci est conforme à l’article D. 214-32-4 du code rural.
Seule la première acquisition depuis cette date impose la signature du certificat d’engagement et de connaissance (CEC).
L’acquéreur qui répétera l’opération ultérieurement aura juste à produire le CEC qu’il détiendra déjà, ce qui obligera le vendeur à délivrer, non plus une formule de CEC, mais le document d’informations sur les besoins et caractéristiques de l’animal (DICBA), lui aussi prévue alternativement à l’article L. 214-8 du code rural comme moyen d’information.
Le CEC est délivré, à l’état vierge évidemment, par l’éleveur titulaire d’un titre énuméré à l’article L. 214-6-1 du code rural : certification professionnelle, attestation de formation ACACED ou certificat de capacité.
L’éleveur qui ne produit qu’une portée par an inscrite au LOF et qui use de la dispense de qualification prescrite à l’article L. 214-6-1 ne peut pas délivrer de formule de CEC, puisque cet éleveur, dispensé de formation, n’est pas présumé jouir de la qualification nécessaire.
La cession ne peut intervenir moins de 7 jours après le jour de délivrance du CEC vierge.
Le vendeur qui accepte une cession avant l’expiration de ce délai et/ou qui ne s’assure pas que le cessionnaire a signé un CEC répondant aux exigences de l’article D. 214-32-4 du code rural commet la contravention de la 3ème classe prévue à l’article R. 215-5-1 du même code.
L’esprit du CEC est de protéger l’animal contre les achats à la légère ou irréfléchis.
Le vendeur doit s’assurer par la signature du CEC par l’acquéreur néophyte, que celui-ci déclare et certifie connaitre les besoins spécifiques du chien et qu’il s’engage à les satisfaire.
Le texte est ainsi rédigé :
« V.- Toute personne physique qui acquiert à titre onéreux ou gratuit un animal de compagnie signe un certificat d'engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l'espèce, dont le contenu et les modalités de délivrance sont fixés par décret. Toute personne cédant un animal de compagnie à titre onéreux ou gratuit s'assure que le cessionnaire a signé le certificat d'engagement et de connaissance prévu au premier alinéa du présent V. La cession de l'animal ne peut intervenir moins de sept jours après la délivrance du certificat au cessionnaire. Les animaux de compagnie mentionnés au deuxième alinéa du présent V sont les chats et les chiens ainsi que les animaux de compagnie précisés par décret. »
C – L’obligation d’information lors de la conclusion du contrat
L’obligation d’information contractuelle a pour source les articles 1602 du code civil et L. 214-8 du code rural.
Le vendeur étant considéré comme connaissant mieux la chose que l’acheteur, le code civil, en son article 1602, spécifique au contrat de vente, lui impose « d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ».
L’acquéreur est tenu de se livrer à un examen suffisamment attentif de la chose et de recueillir les informations à sa portée.
Cette obligation de curiosité est illustrée par l’article 1642 du code civil qui prive l’acquéreur de la garantie contre les vices apparents :
« Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ».
Il importe donc au vendeur de soumettre à l’acheteur des contrats de cession ou de réservation, clairs et dénués d’ambiguïté ou de clauses abusives, lesquelles sont réputées non écrites en ce qu’elles créent un déséquilibre en faveur du vendeur lorsqu’il est professionnel (article L. 132-1 du code de la consommation).
Si le chien présente une pathologie, il est conseillé au vendeur de se ménager un écrit signé de l’acquéreur, par lequel celui-ci reconnait avoir a été informé de l’existence de la maladie, de ses effets, de son traitement, du cout de ce dernier, des conséquences éventuelles sur l’état morphologique du chien, sur son éventuelle inaptitude future à la confirmation au LOF et sur les conséquences de celle-ci (ne pas pouvoir reproduire au LOF, ne pas recevoir de cotation ou d’homologation de titres – voir l’encadré plus haut au « A. – L’obligation d’information précontractuelle »)
Le respect de l’obligation d’information sert également à prévenir les risques de vice du consentement de l’acheteur par erreur ou par dol, tel qu’exposé en supra.